En symbiose avec https://www.altacolor.fr/ qui a tous les talents et à qui j’ai emprunté ce magnifique tableau !
Gibu
En symbiose avec https://www.altacolor.fr/ qui a tous les talents et à qui j’ai emprunté ce magnifique tableau !
Gibu
Les blogs sont chronophages……….. je fais quelques jours de pause pendant lesquels je ne viendrai plus dans l’coin.
En attendant je vous mets un petit montage d’un texte fait pour mes lecteurs sur le thème des saisons, de la nature, et des vibrations. Certains l’ont déjà vu dans d’autres contextes.
Enjoy cette période qui reste un peu magique malgré tout. Onésime, Gertrude, et le chat Ehouarn vous souhaitons un joyeux Noël.
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Gibu 19/12/2022
https://wordpress.com/read/feeds/98086153/posts/4115220273 c’est le lien qu’il faut suivre pour aller voir chez Tout l’Opéra ou Presque le challenge de ce mois de Juillet. Je résume : un texte en sept parties dont chacune commence par une note de musique, en utilisant des termes puisés dans le domaine musical.
Je plaide coupable : après plusieurs semaines de températures supérieures à 3( voire 40 degrés dans le midi, le cerveau ramollit. Mon texte se transformera en petit poème, histoire de ne pas rompre la chaîne. J’ai demandé à Onésime mais il m’a gentiment éconduite…. Gertrude et lui avaient mieux à faire.
Bonnes vacances pour ceux qui en prennent.
DO – ou UT – en clé posé
RÉsonne sur la portée.
MIlle notes en harmonie
FAçonnent une mélodie…
SOLlicitant la virtuose,
LA croche rebondit et ose.
SIlences -ou parfois soupirs –
DOnnent à l’archet du plaisir.
et pour le plaisir, sur une esquisse d’une artiste amie :
Ce récit n’est en aucun cas une autobiographie, même s’il est émaillé de loin en loin de souvenirs personnels.
Il se veut évocateur d’une « atmosphère » celle du quartier de mon enfance et surtout de « ma rue Jules Moulet » entre les années 1950 et 1970.
Je n’y étais pas retournée depuis plus de dix ans, depuis le grand départ de maman.
Le destin, le hasard, un fil de vie, peu importe, m’a fait un jour rencontrer sur un Salon du Bien-Etre Giuseppe, le coiffeur énergéticien au rasoir salvateur….
Après bien des procrastinations, j’ai enfin pris rendez-vous, il y a quelques semaines, pour tenter de sauver ce qui peut l’être d’une chevelure quelque peu anémiée.
Seulement voilà ! Giuseppe exerce son art au 63 de la rue Jules…. juste en face de la maison qui a abrité mon enfance et mon adolescence !
J’y ai vu l’occasion d’un retour aux sources et d’un voyage souvenir, même si je n’habite qu’à 25 Km de là.
J’étais partie bien en avance, avec l’arrière pensée d’une immersion dans mes souvenirs. Au fur et à mesure que j’approchais, des images s’imposaient à moi. En arrivant devant le 66 je fus submergée par le flot des émotions et des souvenirs qui s’entrechoquaient.
Comme toujours chez moi, les émotions passent par l’écriture. Alors il m’est apparu comme une évidence que je me devais de raconter la rue Jules telle que je l’avais aimée et, le temps passant, idéalisée.
– le 66 –
Le 66 n’est pas le nom d’une boîte de nuit. C’est le numéro précis de la maison qui a abrité mon enfance.
Au rez-de-chaussée, ouvrant sur la rue, deux portes cochères encadrent la porte d’entrée. A cette époque, celle de droite abrite Monsieur et Madame GRANGE et leur fils Roger.
Celle de gauche, donnant sur la rue derrière de grandes portes vitrées était leur maroquinerie ! ils travaillent le cuir et les grosses machines ne cessent de m’impressionner. Papa m’a expliqué un jour qu’il s’agissait là d’anciennes écuries (de l’époque où les automobiles n’existaient pas) et que le premier étage servait à entreposer le foin… Mais ça c’est une autre histoire !
Sur la porte d’entrée du 66, une plaque brille, régulièrement entretenue : ni un médecin ni un avocat… Il y a écrit « Emile BONNET – Comptable agréé », autrement dit papa.
Nous habitions au-dessus des GRANGE. Au-dessus du garage vivaient nos voisins de palier, tata AUBERT, son mari Victor et leur fille adulte, Paule.
Leur appartement était plus grand que le nôtre, puisqu’il traversait la maison de part en part, donnant sur des arrière-cours.
Le nôtre s’arrêtait au niveau du couloir et dans l’autre moitié vivaient les SOTTILE, Antoinette et Gigi. Il était maçon, et elle aidait maman à tenir la maison.
Nous étions les seuls à cet étage à avoir des WC personnels (ouf !) les autres locataires devaient aller dans le couloir dans des WC communs. La configuration était d’ailleurs la même au deuxième.
Lorsque nous avions une visite, une sonnette résonnait dans notre entrée (qui était aussi le bureau de papa), et nous sortions dans le couloir tirer sur une sorte d’espagnolette reliée à un filin, ledit filin étant relié à la lourde porte dont il déclenchait l’ouverture en tirant sur le penne. Toute une aventure.
A part le bureau précité, nous avions une cuisine, et une grande pièce qui servait de salle à manger. Dans un angle, un cosy me servait de chambre. Au fond de la Salle à manger une alcôve, la chambre de mes parents.
Au second, au dessus de nous, Madame MURENA, une dame plus âgée que mes parents, qui a longtemps tenu le petit kiosque à journaux en bas du boulevard Notre-Dame.
A son décès, bien plus tard, un poète (Christian Gabrielle Guez-Ricord) habitera là jusqu’en 1988. Une plaque souvenir du poète a remplacé la plaque de papa.
Au-dessus d’Antoinette vivait Mademoiselle MOLLARET, vieille fille célibataire. Et au-dessus des AUBERT la famille IMBERT, Monsieur et Madame et leurs deux enfants Rolland et Geneviève. Rolland avait environ 15 ans de plus que moi; il était handicapé et ne sortait de son antre que deux ou trois fois par an pour des visites médicales. Il avait un pied-bot et surtout un caractère renfermé qui le rendait mystérieux, voire inquiétant ! Geneviève fut ma copine d’enfance. Nous jouions à la balle en bas de l’escalier, sur une surface de 2 mètres carrés.
C’est en bas de l’escalier également qu’il y avait un petit local dans lequel Tata Aubert entreposait le charbon nécessaire à sa cuisinière, qu’elle remontait chaque jour dans un grand seau. Les autres locataires avaient des cuisinières à Gaz.
Nous faisions notre toilette à tour de rôle dans la cuisine, « à la pile » (l’évier en pierre de cassis). Enfant j’avais une bassine qui permettait à maman de me savonner puis de me rincer à l’eau tiède d’une casserole.
Pour la lessive, nous avions la lessiveuse. Il fallait savonner le linge au préalable, faire chauffer de l’eau dans la grande lessiveuse en acier galvanisé dont la partie centrale fonctionnait comme les cafetières à l’italienne. Une fois le linge bien lavé dans la lessiveuse il fallait le rincer, ce qui n’était pas chose aisée dans l’évier. Puis nous l’étendions sur les cordes à linge coulissantes, sous les fenêtres, dans la rue. S’il n’était pas assez essoré, les passants se prenaient des gouttes sur la tête.
Quelquefois la corde sortait de son roulement, et il fallait sortir le plus possible le haut du corps par la fenêtre pour la remettre en place. Une deuxième personne tenait la première pour lui éviter de se défenestrer !!! c’était un peu rock’n roll mais le système fonctionnait.
Nous essorions la salade dans de grands torchons que nous agitions par la fenêtre également, en surveillant que personne ne passe au mauvais moment.
Voilà. Le décor est planté de ce microcosme…. Si je l’ai fait, c’est que toutes les maisons de la rue fonctionnaient un peu sur le même modèle et le même mode de vie.
Le facteur passait le matin, à pieds avec sa grande et lourde besace en bandoulière.
Passait aussi le camion des « Glacières de Paris » déposer à la demande des gros blocs de glace découpés à la demande. Il fallait vite descendre les récupérer dans une bassine, sinon ils fondaient peu à peu sur le trottoir. A la maison, nous les déposions dans une glacière, ancêtre du réfrigérateur : meuble en deux parties. La partie du haut recevait le gros morceau de glace qui était changé tous les trois ou quatre jours. La partie du bas permettait de conserver au froid des aliments.
Le camion poubelle passait également. Nous descendions nos poubelles que les éboueurs vidaient manuellement dans le grand camion aux odeurs insoutenables qui laissait plusieurs minutes ses effluves derrière lui.
Je me souviens de la vieille fleuriste vêtue de noir, un peu crade, qui ne devait pas porter de sous-vêtement. De temps en temps elle faisait une halte, un pied sur le trottoir l’autre dans le caniveau, et lorsqu’elle repartait une flaque explicite racontait ses urgences !
Le vitrier déambulait, des vitres de différentes dimensions sur un grand portant qu’il portait à la façon d’une hotte, dans son dos; les carreaux étaient fins à l’époque et il n’était pas rare qu’un coup léger les brise. Il découpait une vitre à la bonne mesure (rien n’était vraiment calibré à l’époque). Je me souviens que pour changer la vitre cassée il fallait nettoyer les éclats de verre, enlever les petites pointes qui l’avaient retenue, insérer la vitre neuve, l’entourer de mastic bien propre des deux côtés en n’omettant pas de remettre des pointes. Je suppose que cela existe toujours dans les maisons plus anciennes. Ma mémoire est déformée par les revêtements modernes et les verres triple épaisseur dont nous nous équipons aujourd’hui.
Nous avions trois fenêtres donnant sur la rue. Mon QG était celle de la cuisine.
De nos fenêtres donc, nous apercevions en face, la petite porte de la Bibliothèque OCB (Office Central des Bibliothèques) qui ouvrait quelques heures par semaine.
Une fois la porte franchie, un escalier descendait vers un local situé en rez-de-jardin et dédié à des centaines de livres qui ont nourri ma soif de lecture des années durant. C’est sciemment que j’utilise le terme de rez-de-jardin puisque les fenêtres de la bibliothèque ouvraient sur un grand jardin que je voyais également de ma fenêtre et dont les locataires de la grande maison, dans le fond, profitaient. Cette grande maison bourgeoise de six étages avait son entrée principale dans le Boulevard Notre-Dame, mieux côté que la rue Jules.
Un immense marronnier plus que centenaire, montait jusqu’au dernier étage, faisant le bonheur d’un couple d’écureuils que nous apercevions de temps en temps. On se croyait à la campagne, et en même temps, apercevoir derrière les fenêtres, là bas au fond, des personnages qui s’agitaient, sortaient dans le jardin, éclairaient, éteignaient…. sans que leur intimité n’en souffre de quelque manière que ce soit, c’était un peu comme regarder dans un livre d’images.
A côté de la porte OCB, une autre porte, guère plus grande, que je n’avais jamais spécialement observé. Elle était je crois l’issue arrière de dépendances appartenant aux immeubles du Boulevard. elle était au 63. J’ai franchi cette porte récemment puisque c’est celle du cabinet de coiffure de Giuseppe, qui lui aussi donne sur le jardin.
Toutes les 15 minutes, un boucan d’enfer faisait trembler les vitres de nos fenêtres et de celles des proches voisins !
C’était celui de « l’ascenseur » comme nous l’appelions avec fierté et attachement : deux funiculaires hydrauliques qui montaient et descendaient simultanément vers et de Notre Dame de la Garde, la « Bonne Mère » . Ils s’arrêtaient fort heureusement en début de soirée (peut-être vers 18h ?) et ne reprenaient pas de bonne heure le matin, ce qui nous permettait des nuits calmes.
Antoinette, dont les fenêtres donnaient derrière la maison, côté cour, pouvait les voir se croiser dans la cataracte d’au qu’ils libéraient. Cette fenêtre était la mieux placée puisqu’elle était face à la colline à l’aplomb de laquelle le funiculaire avait été construit.
Quelques années plus tard, nos appartements furent vendus, avec possibilité de les racheter. Antoinette n’étant pas intéressée déménagea, et mes parents rachetèrent notre appartement et le sien pour un prix plus que raisonnable. La fameuse fenêtre fût alors celle de ma chambre. J’avais 14 ans et le bonheur d’avoir une chambre rien que pour moi.
Le 66 a perdu de sa superbe !
Il est vrai que ma vue d’adulte est plus critique et moins empathique. Mais quand je passe sous le grand porche qui mène à la cour sur laquelle donne ma chambre je n’y vois plus que délabrement.
Les rails du funiculaire ont fait place au béton d’une barre d’immeubles, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité.
La nostalgie disparaît pour faire place à l’indignation et à la colère devant tant d’application à détruire ce qui fut notre patrimoine.
crédit photo de l’ascenseur : internet – on distingue les maisons de la fameuse cour sur laquelle mes fenêtres portaient.
– Et quoi d’autre ? –
A côté du 66, le 64, rien de plus normal. Le 64 aussi était haut en couleurs. Je me souviens de la vieille madame ARMANIEN, mais surtout de la famille ZANNINI dont le fils Marcel, musicien déjà connu dans les années 50, date de création de son premier Groupe, nous régalait parfois de ses répétitions à la clarinette. Il faisait ses gammes, et il n’était pas rare de l’entendre, surtout l’été lorsque nous vivions fenêtres ouvertes.
Puis venait l’angle de la rue Dragon, avec son magasin de souvenirs religieux, sa savonnerie artisanale, juste à l’entrée du « Jardin de l’Ascenseur » ombragé et agréable où les enfants du quartier aimaient faire de la patinette et du patin à roulettes.
Les cars de touristes défilaient; générant une animation diurne permanente dans le quartier.
Ma rue Jules à moi s’arrêtait un peu là, à ce petit univers restreint composé de quelques immeubles, une cour et deux jardins… même si en bas de la rue il y avait un autre monde dont l’atmosphère m’était moins familière :
Au 26 « l’escalier fantôme » par lequel, au temps ou la rue Jules Moulet s’appelait encore rue Cherchell, les soldats étaient parti à l’assaut de l’ennemi sous la conduite de Pierre Chaix-Bryan pour libérer la Bonne Mère de l’ennemi. Il m’est arrivée avec d’autres gamins d’y échafauder des aventure le temps d’un jeudi oisif au patronage dont la porte restait ouverte.
Plus bas encore, Madame DAVIN, la couturière de maman puis, à l’angle de la rue Delanglade, un matelassier qui inlassablement changeait le coton des matelas qui s’affaissaient. Son local était rempli de balles de coton entassées jusqu’au plafond.
La rue remontait alors -avec au n° 8 la Sécurité Sociale qui s’y trouve encore (déguisée sous le nom d’Assurance Maladie) – pour aboutir en haut du Cours Pierre Puget dans le Boulevard Gazzino, actuel Boulevard André Aune.
Mais mon atmosphère à moi commençait à l’angle de la rue Dragon !
En face de la maison, une fois dépassée la Bibliothèque et ce que j’appellerai « la porte de Giuseppe », il y avait le Grand Garage DIDIER (garagiste et concessionnaire Citroën), avec son petit monde à lui : le patron Georges, qui postillonnait à tout-va, son neveu Robert, jeune encore mais qui assurerait la relève. Robert habitait avec ses parents et sa sœur Geneviève dans la cour. Le papa était taxi, la maman avait remplacé Antoinette pour aider maman à la maison. Revenons au garage : le mécano le plus ancien était Robert CAMPOCASSO, d’origine Corse. Tout le monde l’appelait Napoléon. Çà ne le contrariait pas le moins du monde. Avec lui toute une équipe de jeunes mécanos : Gérard, grand et beau qu’une copine épouserait plus tard, Robert Illy, et Jean-François Robin de petite taille avec de grands yeux bleus et un sourire permanent au-dessus d’une fossette…. Geneviève Imbert lui avait donné le surnom d’un personnage de dessin animé, bobotte-de-doigt-de-pied (va savoir !!!). Bref, adolescentes nous le draguions éhontément, en cachette de nos parents.
Je connaissais tout d’eux et de leurs allées et venues, car mon poste d’observation était le rebord de la fenêtre de cuisine où je restais assise des heures durant.
La cuisine était un lieu de vie avec, posé sur une console, un poste TSF qui diffusait le mercredi soir « Les Maîtres du Mystère » .
Comme je l’ai expliqué plus haut, la cuisine servait aussi de salle de bain.
Les fenêtres, très basses, comportaient toutes une barre transversale ou rampe scellée dans le béton à hauteur de taille, sur laquelle on pouvait s’appuyer pour se pencher. Je me glissais sous la barre pour observer, assise pendant des heures, les bruits et mouvements de mon quartier. Geneviève, à son étage, faisait de même et nous parlions d’une fenêtre à l’autre, saluant au passage les brèves apparitions de Tata Aubert et de Madame Murena.
Un lieu de bavardage très convivial, la fenêtre.
Un peu plus haut que la maison, il y avait un bar dont j’ai oublié le nom. Je me souviens que nous nous y rendions pour voir la télé, comme nos voisins, à condition de consommer bien évidemment. Nous y regardions La Piste au Étoiles de Gilles Margaritis animée par Michel Francini à ses débuts puis par Roger Lanzac.
Toute enfant j’ai rêvé de princes et de princesses en regardant en Eurovision le Sacre d’Élisabeth II d’Angleterre…. j’avais trois ans…. Le bar affichait complet ce jour-là.
En haut de la rue, le Bar Hugues (nous ne manquions pas de bars à l’époque). Il y avait aussi le patronage des garçons (celui des filles était à l’entrée du jardin de l’Ascenseur, comme évoqué plus haut). Ce patronage était à flanc de colline, juste en contre-bas de la Basilique. On apercevait à cette hauteur de la rue la statue de la Bonne Mère, illuminée, de nuit.
Plus tard, quand maman se retrouva seule et plus handicapée, elle décida de quitter le 66, et acheta au 105 dans un immeuble plus moderne avec ascenseur, au 3ème étage. Je mentionne cette anecdote car son balcon se trouvait juste en face du patronage, et on voyait formidablement bien Notre-Dame de la Garde qui apparaissait sur la colline (juste la statue au-dessus des arbres), face à nous. Malheureusement, atteinte de DMLA, elle ne put en profiter que pendant peu de temps.
Après le patronage, le grand jeu de boules où se retrouvaient les habitués et les joueurs de passage. Papa s’y arrêtait invariablement en descendant du Bus (57 ou 59) qui le déposait à Vauban lorsqu’il revenait de chez ses clients. Le samedi, c’était aussi sa seule sortie en « célibataire » tant qu’il a pu marcher.
La rue Jules ressortait ensuite sur le haut du Boulevard Notre Dame, avec quelques points de chutes essentiels, comme, en montant à droite, la poissonnière qui installait son étal au pied de l’escalier de la montée Notre-Dame, et la grande boucherie Basso de la place Valère Bernard.
Je serais de mauvaise foi si je déclarais ne pas connaître ce côté là, puisque c’est la route que nous empruntions pour aller à la maternelle de la rue de Lacédémone, chez les sœurs Franciscaines Missionnaires……..
En débouchant sur la gauche du Boulevard, le Cinéma le Breteuil, ou j’ai connu mes premiers films et qui deviendrait un cinéma d’Art et d’Essai bien des années plus tard. A côté, le Pompon Rouge, Boulangerie Pâtisserie ou je me régalais avec les couquies (???) feuilletés sucrés en forme de lemniscate et garnis de crème pâtissière, les puddings, et les bonbons de l’époque. En face du carrefour, le fleuriste « Au Coin Fleuri » qui a paré à tous nos besoins en fleurs et couronnes pendant tant d’années.
ET AUSSI…
Le samedi soir, à la nuit tombée, lorsque la rue était calme et que nous entendions non seulement notre radio mais aussi celle des voisins, soudain, des martèlements au sol et des bruits de chaînes de vélo : C’étaient les « blousons noirs » la bande de Vauban qui descendaient pour en découdre avec celle d’un autre quartier (souvent le Vieux-Port qui n’était qu’à 10 minutes de marche). Les Hell Angels de l’époque. Les volets se fermaient ou s’entrebâillaient dans la crainte de représailles qui ne se sont jamais produites : ils avaient d’autres chats à fouetter…. Mais nous les regardions à travers les lamelles de bois, comme si un danger imminent nous menaçait. Papa s’en fichait un peu, sauf que ça perturbait son écoute de l’émission à la radio. Maman était très peureuse et me communiquait son angoisse.
Parfois, un voisin décédait. Nous étions immédiatement au courant car de grands rideaux noirs avec ses initiales venaient orner la porte d’entrée du bâtiment concerné, et un cahier de condoléance était déposé dans l’entrée qui restait ouverte.
Le corbillard, lui aussi était noir et drapé de noir à ses fenêtres.
Cela donnait à la mort une connotation encore plus lugubre, si tant est que ce soit possible.
Pour revenir à des ambiances plus heureuses, la rue Jules était une rue en pente ou les gamins aimaient se laisser glisser dans des carrioles faites de grosses caisses de savon montées sur roulements à bille, bidouillées par eux-mêmes ou leurs parents. Point de casque à l’époque, et le risque permanent de partir en vol plané en cas de collision. Il fallait être vigilant en sortant de chez soi, surtout en dehors des heures scolaires !
J’ai parlé de deux bars une peu plus haut, mais nous étions privilégiés : il y en avait un troisième au coin de la rue Dragon : Le Bar de l’Ascenseur. Bien placé pour tenter les touristes assoiffés. Mais il avait sa faune personnelle avec les habitués qui « tapaient le carton » ou venaient boire un pastaga ou un café. C’était un établissement propre et calme et même les dames d’âge mûr comme le fut maman avant de déménager, pouvaient s’y retrouver pour papoter. Le soir dans tous ces établissements, le patron vidait au sol de la sciure pour absorber les liquides tombés dans la journée. Je suppose aussi que c’était bon pour le carrelage. A l’aube, le lendemain, il balayait.
C’était vivant, c’est le moins qu’on puisse dire.
En descendant la rue Dragon, après le bar il y avait un tapissier, puis Malou, l’épicière très enrobée, son époux et leur fille Suzanne. Tout le quartier s’y servait. Malou m’aidait à traverser la rue lorsque je me rendais au Cours Chevreul rue Edouard Delanglade, enfant, vers l’âge de six ans…. Madame Murena, de son kiosque à journaux, me faisait ensuite traverser le Bd Notre Dame. Maman avait des problèmes d’asthme tellement fort qu’il lui était impossible de sortir des semaines durant.
Le soir à 18h, après l’étude, je reprenais le chemin en sens inverse et les mêmes personnes me faisaient de nouveau traverser.
C’était ça aussi la vie du quartier, tout le monde se connaissait, avec ce que cela comportait d’agacement parfois, bien sûr; mais j’en garde le souvenir d’une grande famille et de beaucoup de solidarité.
Un jour de 1972, l’ai quitté le quartier….. sans état d’âme aucun : j’étais heureuse, je me mariais… je ne me souviens pas avoir jeté un regard derrière moi ce jour-là même si je devais y retourner, bien sûr, pour voir mes parents.
L’Ascenseur était encore là, le cocon était intact. Pendant des années, avec l’enthousiasme, l’égoïsme et l’insouciance de la jeunesse, je n’ai pas analysé l’importance de cette enfance équilibrée dans un écrin familial confortable.
Papa est parti quelques années plus tard. Maman a déménagé (pas très loin, à quelques dizaines de mètres de là !!!). Mais en allant la voir je ne jetais plus aucun regard au 66, trahissant mes souvenirs par lâcheté.
Plus de 50 ans se sont écoulés et ce besoin d’écrire révélateur et incompressible m’ouvre les yeux sur l’amour qu’on peut inconsciemment poser sur des murs, des rues, des personnes….. et qu’il ne sert à rien de le nier. Tôt ou tard le souvenir vous rattrape.
Cette rue fait partie de moi comme ma Ville, qui me prend aux tripes sans que je puisse m’en défendre, ma ville et les multiples quartiers qui ont compté dans ma vie….. mais ça, c’était après la rue Jules Moulet.
Gibulène – Janvier 2022
Corinne Génovès est une artiste peintre très particulière puisqu’elle maîtrise, entre autres, le « pouring ». A la suite d’une démonstration officielle, nous avons vu naître des tableaux abstraits sous nos yeux. Certains détails pris au zoom donnent des choses étonnantes. Sur cet extrait j’ai vu une baleine émergeant de l’eau !!! il n’en fallait pas plus pour créer quelques lignes.
L’original intégral, à peine terminé et encore frais sur la table, c’était ça :
Etonnant, non ?
Il n’y a pas de hasard : un texte écrit en Mars 2020, deux photos prises récemment et que l’on réunit, et cela fait un joli souvenir d’une soirée un peu magique en attente de la pleine lune…. et dans cette période un peu trouble, ça fait un bien fou !
J’avais fait une fable à la destination des Marseillais il y a quelques années. J’espère qu’elle ne sera pas trop difficile à décoder…….. Bonne lecture à tous, j’ai un peu adapté 😉
Une lettre qui se détache
De notre nom et qui se cache,
Et nous ne sommes déjà plus !
Notons le souvenir des histoires vécues
Elles seront le vibrant témoignage
De notre vécu sur la page :
Boudiou ! dit Notre Dame, un matin de printemps,
Que le Vieux Port est calme c’en est presque inquiétant !
les pointus sont à quai, les pontons sont déserts
Pas une allée venue vers les Îles ou la Mer !
Y aurait-il engatse aujourd’hui sur le Port
Ils sont là, immobiles, on dirait qu’ils sont morts !!!
Eh bien, ça va changer, et que Dieu me pardonne
Je vais créer l’ambiance et jeter ma couronne
Par dessus les maisons, et voyons s’ils sauront
se bouger, rien qu’un peu, mordre à mon hameçon !
Ce qui est dit est fait, et voici Notre-Dame
qui lance sa couronne avec beaucoup de charme
dans le Port si tranquille que l’on entend chanter
la brise dans les mâts, les oiseaux sur le quai !
Mais on est à Marseille, Bonne Mère, peuchère !!!
Ici, pour les bateaux, ce n’est pas la galère
C’est plutôt « on verra » ou alors « tout à l’heure »
Ils ne sont pas vivaces et vivent à deux à l’heure
Voilà la Bonne Mère aujourd’hui décoiffée
Comptant sur un miracle pour se rhabiller !!!
Jésus, tu pourrais bien donner un coup de main !
Fada, pas aujourd’hui, ni peut-être demain !
Il fait trop chaud maman, profite du beau temps,
Elle s’en ira pas, ta couronne, entre temps !
Et puis les Marseillais ils sont crevés, hier
Ils étaient « à l’OM » et n’en sont pas peu fiers !
La Vierge, sur ses gardes, et grandement déçue
Jura mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus !!!
Gibulène – Version Août 2021 pour l’Agenda Ironique
Crédit photo Patrick Mayan – @Patphoto
(https://www.flickr.com/photos/131000268@N04)
J’aimerais en quelques mots vous dire
ce que le nom « maman » m’inspire;
mais voilà, ces mots sont bloqués !
comment pourrais-je l’expliquer ?
Ma maman, c’était LA présence
depuis le jour de ma naissance
dans les bons, les mauvais moments,
me soutenant farouchement,
toujours prête à venir m’aider !!!
trop, peut-être ??? car lorsque j’étais
une ado à moitié rebelle
j’aurais aimé avoir des ailes
pour loin d’elle m’envoler
et vivre en toute liberté.
Maman, qui s’organisait,
Les jours où tout dérapait :
c’était les longues nuits de veille
pour les rhinos, les maux d’oreille
Elle n’a jamais laissé tomber :
malgré son asthme, son eczéma,
pour moi, elle était toujours là !!!
Maman, c’était aussi l’angoisse
lorsque j’arrivais en retard
de l’école, ou de la paroisse,
et je voyais dans ses prunelles
toute la détresse du monde
se disperser en vingt secondes
car j’étais de nouveau près d’elle….
Enfant, maman c’était câlins,
c’était dodo, main dans la main,
sous l’œil attendri de mon père
qui, silencieux, la laissait faire
lui qui peut-être aurait souhaité
échanger son autorité
contre une douceur féminine
dont je me nourrissais, gamine.
Maman, parfois, c’était colère,
gronderie, fichu caractère,
c’était aussi une fessée
lorsque je l’avais méritée !!!!!
Maman, souvent, c’était des larmes
qui lui conféraient tout son charme
et prouvaient, si besoin était,
sa trop grande fragilité.
C’était aussi l’envie de plaire,
de rire, de chanter, de danser :
ce que je n’ai jamais su faire
et que je lui ai reproché….
Et puis un jour, je suis partie.
C’était normal, j’avais grandi !
les enfants partent tous un jour
en emportant dans leurs bagages
des valises pleines d’amour,
tout en laissant dans leur sillage
une sensation douce-amère
de trop peu, de trop mal, de trop court….
un désir de marche en arrière,
un sentiment de non-retour !
Et j’ai vécu ma vie de femme
sans d’elle me préoccuper :
je l’ai laissée se « débrouiller »
avec papa, avec mémé,
qu’elle a soignés, qu’elle a aidés
sans jamais déposer les armes….
Puis un jour, seule elle est restée.
Elle n’a pas voulu m’encombrer :
elle a accepté de reprendre
sa vie longtemps interrompue
et, décidée, sans plus attendre,
un an ou deux elle a vécu,
en avalant les kilomètres
dans des voyages insensés :
elle aimait beaucoup voyager,
dans cet art elle était passée maître !!!
Mais bientôt vint la maladie !
et après qu’elle s’en fût guérie
en luttant avec âpreté
est arrivée la cécité !!!
Là encore elle s’est adaptée,
préoccupée comme elle l’était
de me laisser prendre le large,
de ne pas rester à ma charge…..
Puis un jour, quand j’ai vécu
ce que la vie avait de pire
sa main de nouveau s’est tendue
pour m’aider et me soutenir.
Ma petite mère courage
qui a essuyé tant d’orages !
plus qu’on ne peut en supporter,
tu n’as jamais démérité….
et quand je t’ai vue vieillissante
tes yeux sur le vide posés
qu’eût-il fallu que je ressente
sinon une immense fierté ?
Presque 60 ans pour comprendre
tout l’amour que tu m’as donné….
Il était temps! sans plus attendre
j’ai voulu par les mots témoigner :
au crépuscule de ta vie
ma maman, je t’ai dit MERCI.
Quelle bonne idée j’avais eue !
car maintenant que tu n’es plus,
pas un jour sans que je ressente
de façon plus ou moins pressante
l’envie folle de te parler,
de te dire, te raconter
ce que tu as été pour moi…
Ce vide qui ne se comble pas.
Le jour de la Fête des mères
tu mettais une robe claire
ton sourire et ton beau collier…
C’était un jour privilégié.
Si de là-haut dans tes nuages
tu peux lire ce long message
alors, nous aurons partagé
encore une belle journée.
Fifille – Mai 2021