Carnets Paresseux nous vous propose de parler d’ombre. Pourquoi ? parce que novembre, parce qu’ombre, parce que, quoi. L’ombre qui s’allonge et recouvre le monde comme l’ombre qui nait de la lumière, fille du soleil. Bref, d’écrire ce que vous voulez, dialogue, poème, roman (petit), nouvelle, traité philosophique, opéra, sonnet, sornette, sur l’ombre. Et quoi d’autre ? Une pincée d’ironie ; une goutte d’agenda, quelques dates, un mois ou deux ; agenda ironique oblige. Et puis faudra – faudrait ; si vous voulez ; rien n’est obligé – glisser ces deux phrases : « Je ne m’attends pas à ce que vous croyiez cette histoire. Est-ce que j’y crois, moi ? «
Septembre 1916. Pancho (Villa) venait d’attaquer Chihuahua, libérant des prisonniers politiques, et la Police était sur le qui-vive !
Le sombre héros en sombréro n’était plus que l’ombre de lui-même !
On l’avait mis à l’ombre sans l’ombre d’une hésitation, par un bel après-midi d’été, alors qu’il somnolait à l’ombre d’un cactus sous 45° à l’ombre.
L’arrestation fut si rapide que son ombre en resta au pied du vieil euphorbia ombrageux qui ne manqua pas de le lacérer au passage.
Il végétait maintenant dans sa cellule (le héros, pas le cactus, si vous suivez bien), avec pour seule distraction les ombres chinoises qu’il projetait sur les murs décrépis aux heures où le soleil entrait par la lucarne.
Des chinoises dans une prison mexicaine, je ne m’attends pas à ce que vous croyiez cette histoire ! Est-ce que j’y crois, moi ? Quoi que…………
De temps en temps il sombrait dans un sommeil houleux agité de sombres pensées. Le film des dernières heures de liberté se déroulait inlassablement dans ses cauchemars : par curiosité, il avait suivi comme son ombre un louche individu qui, lui, ayant peur de la sienne, (vous suivez toujours ?) avait réussi à le semer. Ledit individu étant quelques heures plus tard passé de vie à trépas, avait rejoint le royaume des ombres. Pedro, car c’est son nom, correspondait au parfait profil d’un suspect, et par conséquent on l’avait suspecté…. Mais de nombreuses zones d’ombre subsistaient dans cette ténébreuse affaire, que la Police, sciemment, ignorait. Innocenter ce porteur de sombréro taciturne aurait généré de nouvelles recherches dont la perspective leur donnait des vapeurs (pas étonnant avec cette chaleur !).
Pedro se réveillait en sueur, hagard (mais pas du Nord) et décoiffé (dormir avec un sombréro n’est pas chose aisée). De guerre lasse hélas, Pedro sombrait, mais pas que dans le sommeil. Le clair-obscur de sa prison lui pesait et il n’entrevoyait aucune issue.
Issue ? un midi, alors qu’il entamait sa 100ème partie journalière d’ombres murales, ce qu’il dessina par hasard l’éclaira ! Eurêka conjugua-t-il en grec ancien (car il avait des lettres sous le chapeau)……. et la lumière jaillit !
Dans les journaux locaux, quelques jours plus tard, on peut lire un entrefilet : « Où est passé Pedro, le sombre héros au sombréro ? » Il s’était bel et bien fait la belle, mais à ce jour la lumière n’a pas encore été faite sur cette sombre histoire !
A noter que la Une, elle, précisait que Pancho était à Murgia. Nous sommes en Janvier 1917, le thermomètre affiche 27 degrés.
Bon Novembre à tous – Gibulène 4/11/2022